Vous êtes célibataire depuis quelques années et ça commence à vous peser. Vous travaillez beaucoup, vous occupez vos quelque temps libres à jouer au hockey ou à faire de la danse aérobie et les bars, ce n’est pas pour vous. Les opportunités de rencontres se font donc aussi nombreuses que les chances d’être emporté par une tornade! Vous croyez en être quitte pour adopter un chien de compagnie afin de soulager votre ennui lorsque vous entendez l’appel de votre clavier informatique… Et si,du bout des doigts, vous pouviez dénicher l’âme soeur?
Un phénomène toujours en croissance
« Le phénomène des rencontres en ligne semble actuellement être en pleine croissance. Ça évolue de façon parallèle à l’importance que prend Internet dans nos vies », indique François Blanchette, sexologue. « Ça gagne en popularité car l’Internet est un moyen de rencontre facile. Pas besoin de s’habiller, ni de sortir. On n’a qu’à s’installer confortablement devant notre ordi,tablette ou smartphone pour accéder à tout un domaine virtuel de rencontres. » Les possibilités d’échanges sont multiples: les sites de chat, les forums de discussion, les agences de rencontres… Mais, les flèches virtuelles de Cupidon atteignent-elles vraiment leur cible?
« Le taux de succès est très élevé, affirme Jean-Pierre Cyr, président de l’agence de rencontres Réseau Contact. J’ai reçu, et je reçois toujours, des témoignages de gens heureux qui se sont rencontrés grâce à mon site. En fréquentant le Réseau Contact, on est sûr de se faire des amis. Pour ce qui est de l’âme soeur, disons que les chances sont assez bonnes. » Et concernant les chats, ces terrains de jeux où règnent liberté et anonymat, les données sont pratiquement inexistantes… Parfois, ça fonctionne. Mais, souvent, trouver l’âme soeur sur le net n’est pas de tout repos. Parlez-en à Chanel…
Chanel, 52 ans, est mère monoparentale et célibataire depuis une douzaine d’années. Elle s’est d’abord tournée vers Internet par curiosité. Aimant beaucoup écrire, elle s’est déniché quelques correspondants masculins à travers le monde pour en connaître plus sur leur culture, leurs valeurs et échanger sur des sujets d’intérêt commun. Comme elle trouvait que les sites de chat et ne correspondaient pas à ses besoins, elle s’est inscrite à une agence de rencontres. « J’ai rencontré une dizaine d’hommes. On s’envoyait des messages électroniques et, si on le jugeait bon, on se rencontrait. Malheureusement, j’ai presque toujours été déçue. Souvent, ça ne clique pas ou je réalise que certains hommes ne veulent avoir qu’une aventure. » Après maints efforts et déceptions, Chanel a fait une croix sur les cyber-rencontres, quoiqu’elle y jette occasionnellement un coup d’oeil, question de voir si elle ne trouverait pas par hasard la perle rare…
Catherine, 25 ans, a eu plus de chance que Chanel. C’est en chattant qu’elle a trouvé sa perle rare, Éric, il y a deux ans. Étudiante universitaire, elle travaillait dans une centrale téléphonique tous les mercredis soirs. Comme les appels se faisaient plutôt rares, elle en profitait pour chatter. « Je me promenais surtout sur des sites où je pouvais discuter avec des étrangers. Puis, à un moment donné, je suis allée sur un site québécois et j’ai rencontré Éric. On a chatté toute la soirée. Puis, nos rendez-vous se sont répétés à toutes les semaines. On discutait de tout et de rien et on philosophait sur la vie. On a découvert qu’on avait bien des points en commun », confie-t-elle. Aussi, après quelques semaines, les rendez-vous de chat se sont transformés en courriels quotidiens. Puis, après un mois de ce manège, ils ont pris le téléphone et se sont fixé rendez-vous. À peine six mois après cette rencontre, ils aménageaient ensemble et filent encore le parfait bonheur. Coup de chance? « C’est vraiment un hasard, répond Catherine. C’est la première fois que je sympathisais avec quelqu’un sur Internet. Et puis, Éric avait plutôt l’habitude de chatter avec des gars pour parler hockey! Je ne sais pas si Internet est un bon moyen de rencontre. Je préfère les contacts réels, mais tout est une question d’affinités entre les personnes qui se rencontrent, peu importe l’endroit. »
Univers du mensonge?
Sur Internet, l’anonymat est roi et plusieurs s’y croient tout permis. Certains tombent dans le piège comme Martin (nom fictif) qui a chatté pendant plusieurs mois avec une fille plutôt sympathique qui ne cessait de repousser le moment d’une éventuelle rencontre. Et pour cause: c’était un homme! « Sur Internet, c’est facile de mentir, mais je crois que la plupart des usagers ont plutôt tendance à embellir la réalité et à choisir les vérités qu’ils veulent dire, souligne François Blanchette. Il y a des parties de nous-mêmes que nous ne sommes pas obligés de livrer puisqu’il n’y a personne à nos côtés et l’autre n’a aucun moyen de vérifier. » Sophie, 24 ans, a été confrontée à cette réalité. Il y a trois ans, alors qu’elle était étudiante, elle chattait assez fréquemment. Alors qu’elle était dans un chat francophone, un anglophone a fait son entrée. « Il demandait à parler à quelqu’un, mais personne ne lui répondait. Comme je me débrouille bien en anglais et que j’aime pratiquer, j’ai initié la conversation et ça a cliqué immédiatement! » Corey était étudiant en informatique, intellectuel, romantique à souhait, sportif… « On partageait plein d’intérêts communs comme les livres, l’opéra, les sports de plein air… Et puis, on semblait penser de la même façon. J’en suis vite tombée amoureuse! » Le hic : il habitait en Illinois. Les rencontres sur le chat se sont multipliées et les échanges de messages électroniques également. Ils se sont ensuite envoyé leur photo et Corey a commencé à parler de son intention de venir visiter Montréal. « J’étais folle de joie et je lui ai dit que je pourrais probablement l’héberger. Quand j’ai parlé de ça à mes parents, ils m’ont dit que c’était très imprudent de ma part.
« les internautes ont tendance à croire qu’ils établissent des relations plus intimes qu’elles ne sont en réalité. »
À mon avis, je le connaissais assez pour savoir qu’il n’y avait aucun danger. Il était si doux… » À tout hasard, Sophie a fait des recherches sur le Net à son sujet et elle a découvert quelques éléments de son passé qu’il aurait certainement préféré garder secrets… « En fait, je suis tombée sur une question envoyée à une émission de télévision par une étudiante du même campus que Corey. Elle y mentionnait son nom et disait que des accusations de viol pesaient contre lui et voulait savoir quels étaient ses recours si des procédures judiciaires étaient entamées. Le coeur me débattait follement! Et j’ai pleuré… » Sophie a confronté Corey. Il a expliqué que c’était un coup monté d’une fille qui était amourachée de lui et que tout ça lui avait ruiné sa vie, enlevé ses amis, etc. « À force de discuter avec lui, je crois qu’il dit vrai. Mais, j’ai fait une croix sur une éventuelle rencontre. Je ne suis tout de même pas assez bête pour prendre le risque! C’est dommage… On s’écrit tout de même une fois de temps en temps. » Selon François Blanchette, les internautes ont tendance à croire qu’ils établissent des relations plus intimes qu’elles ne sont en réalité. « En écrivant, on a l’impression de très bien connaître l’autre personne. Souvent, les gens vont s’exprimer plus facilement sur certains sujets, mais demeurent secrets sur d’autres. Quand on se rencontre en réel, on saisit mieux la personnalité de l’autre. Le langage non verbal est très important, les gestes, la façon de parler, l’apparence… Sur Internet, on n’a pas vraiment de repères et ça peut nous jouer des tours. Les risques de tomber sur un psychopathe sont presque nuls, il ne faut pas être alarmiste, mais on doit être prudent. »
Du virtuel au réel
Après plusieurs rendez-vous de chat, plusieurs personnes préfèrent concrétiser les rencontres intéressantes. Mais, entre le virtuel au réel, il y a toute une différence! Chanel correspondait avec un homme depuis quelques temps et a décidé de lui donner rendez-vous dans un café. « J’avais déjà vu sa photo, alors je pensais savoir à quoi m’attendre. Erreur! Quand je l’ai vu, je l’ai trouvé absolument dégueulasse! Il était plus petit que moi, avait les dents jaunies, son style vestimentaire était affreux et il ne semblait pas très propre. Pourtant, sur la photo, il avait l’air beaucoup mieux! » Devant le refus de Chanel de donner suite à cette rencontre, l’homme a commencé à lui envoyer des adresses de sites 3X et des lettres de bêtises… « Sur Internet, on parle à des fantômes. Souvent, on se fait une idée de l’autre, on se crée des scénarios et on est souvent déçus. » « J’étais déjà en amour avec Éric avant même de le rencontrer, raconte Catherine. Alors, j’étais vraiment nerveuse à l’idée de ce premier rendez-vous. On s’était décrit, mais je ne savais pas si on se plairait. En fait, ça n’a pas été le grand coup de foudre, mais il y a eu une chimie. » « La rencontre réelle pose des barrières que les échanges électroniques n’ont pas », soutient Geneviève, 25 ans. Elle chatte occasionnellement depuis deux ans et a concrétisé à trois reprises des relations virtuelles qui duraient depuis plusieurs mois. « Dans deux cas sur trois, la relation s’est
Dès qu’on veut quelque chose de plus profond, il faut aller vers une rencontre.
terminée avec cette première rencontre. Ce n’est pas une question de détails physiques, mais plutôt d’attitude et du contact lui-même. C’est dommage car j’entretenais de bons échanges avec eux… » La troisième rencontre a toutefois été le prélude d’une relation qui a duré quelques mois. « On s’entendait vraiment bien, mais c’était devenu insoutenable car il avait une copine avec qui il habitait. C’était pas évident pour lui de la quitter et j’étais prise dans un genre de relation dont je ne voulais pas. J’ai mis un terme à tout cela… » Selon Michel Goulet, sexologue, c’est lors du rendez-vous que ça passe ou ça casse. « Le vrai test, c’est celui de la réalité! » Prisonniers du virtuel… Ce test, plusieurs préfèrent ne pas le vivre et demeurer dans l’univers de l’imaginaire. Le timide peut se faire Don Juan, la pudique jouer la nymphomane… « Pour ceux qui veulent des contacts superficiels, Internet est idéal. Souvent, ces personnes ont de la difficulté à s’impliquer dans une relation réelle. Internet leur donne l’impression d’être intime avec des partenaires, mais ils ne communiquent avec personne en particulier. Le contact se fait seulement avec le clavier et l’écran. Dès qu’on veut quelque chose de plus profond, il faut aller vers une rencontre, le virtuel ne suffit pas », indique François Blanchette. Certains développent même une dépendance de ces rencontres virtuelles et peuvent passer plusieurs heures par jour devant leur écran! « Ça peut devenir très envahissant à un point tel que ces personnes coupent les possibilités d’interagir avec leurs proches, arrivent en retard au bureau ou chattent pendant leurs heures de travail, poursuit François Blanchette. Ça peut avoir d’importantes conséquences car Internet est très facile d’accès. » Michel Goulet a plusieurs patients souffrant de cyberdépendance. « Ceux qui ont de la difficulté à socialiser peuvent être tentés de se maintenir dans l’univers virtuel, dans leurs rêveries. Mais, ça crée un isolement encore plus grand. » Selon lui, l’aspect sexuel est souvent lié à cette dépendance. « Je ne crois qu’on devienne vraiment dépendant des rencontres virtuelles, mais plutôt de l’érotisme lié à celles-ci. »
Et les conjoints?
Les relations virtuelles peuvent être vues comme des infidélités par les conjoints d’internautes mordus du chat. Mais qu’en est-il vraiment? « Ça dépend de ce qu’on entend par fidélité. Je considère que toutes les choses que l’on fait qui peuvent blesser la personne que l’on a choisie ne sont pas très constructives. Quand on consacre tout son temps à chatter et à partager des émotions et des détails intimes avec quelqu’un d’autre au lieu de consacrer son temps à son couple ou à sa famille, ça peut être une infidélité. » Michel Goulet abonde dans le même sens. « Certains de mes patients qui sont dans cette situation vivent beaucoup de jalousie. Ils se sentent trahis. Même s’il y a exclusivité sexuelle, il manque l’exclusivité émotive… » Et puis, il y a toujours la possibilité d’une rencontre… « Dès qu’Internet est arrivé à la maison, ma relation de couple s’est détériorée », confie Roger, récemment séparé après 24 ans de mariage. « Ma conjointe avait une difficulté à communiquer et s’est sentie très à l’aise dans cette réalité virtuelle. Elle chattait du matin au soir. Peu à peu, on s’est distancé l’un de l’autre et je crois qu’elle a rencontré quelqu’un sur Internet. » Quoique la séparation se soit déroulée positivement, Roger est catégorique : plus jamais d’Internet à la maison! « Je crois que c’est un bon outil pédagogique et que ça peut briser l’isolement des gens seuls. Mais quand on fuit la réalité pour vivre dans un monde virtuel plein de magie, ça peut être dangereux et créer une dépendance très forte. » Internet: pas que du mauvais Selon Vincent et Isabelle, il ne faut pas croire que les rencontres sur l’Internet n’ont que du mauvais. « Nous nous sommes rencontrés sur un babillard électronique, alors que le courrier électronique n’était pas encore populaire. Nous sommes ensemble depuis près de six ans et nous nous sommes mariés l’été dernier! », conte Isabelle, 24 ans. Sans privilégier ce mode de rencontre, ils concèdent qu’il a plusieurs points positifs. « Je crois que c’est un bon outil pour approcher des gens, affirme Vincent. Contrairement à la drague dans les bars, on ne met pas l’accent sur le paraître, mais sur l’être. Et puis, ça peut faciliter les premiers pas pour une personne timide. » Michel Goulet renchérit. « Pour ceux qui n’aiment pas les bars et qui ont un rythme d’activités qui ne leur permet pas de faire des rencontres, Internet peut être intéressant. Pour certains, c’est même une économie de temps et une bonne façon d’apprivoiser l’autre. » Jean-Pierre Cyr, de Réseau Contact — qui prêche pour sa paroisse! — est aussi d’avis que l’Internet est un bon moyen de rencontre. « Nous avons plus de 505 000 membres à travers la francophonie. Nos clients peuvent rechercher l’âme s¦ur à l’aide d’un moteur utilisant plusieurs critères, donc assez précis. Rapidement, on peut être en contact avec une personne qui partage nos intérêts et qui répond à nos goûts. » Attention… « Internet, c’est bien, mais il faut être très prudent lors d’une première rencontre. Un endroit neutre et fréquenté est idéal », indique
La réalité est souvent moins magique que le virtuel…
Chanel. À certaines occasions, elle s’est mise dans des situations risquées et en tire aujourd’hui des leçons. « Un homme de la région de Québec que j’avais rencontré à quelques reprises est arrivé chez moi avec sa valise sans préavis. Il voulait que je l’héberge. Je ne voulais pas, mais j’étais très mal à l’aise. Il a dormi dans la chambre de mon fils qui était absent et j’ai fermé la porte de la mienne. Trop craintive, je n’ai pu dormir de la nuit et le lendemain, je lui ai suggéré de se trouver une autre place où loger. Il était insistant et ça aurait pu mal tourner… » Michel Goulet conseille d’autre part de ne pas s’emballer trop vite. « Par exemple, si on correspond avec quelqu’un de l’étranger. On peut être bien amoureux, mais il faut se demander où ça nous mène et si on est prêt à tout sacrifier pour aller vivre cette histoire d’amour. » Et puis, la réalité est souvent moins magique que le virtuel… Aussi, Isabelle croit qu’il vaut mieux ne pas trop retarder la rencontre. « Le contact est déterminant. On ne peut pas bâtir une relation sur le net. » Et puis, comme indique Vincent, son copain : « Il ne faut pas oublier que le plaisir demeure dans les baisers et les caresses… »